Les antalgiques opioïdes

Une liste des médicaments antalgiques à visée antalgique ou substitutive
disponibles sur le marché français

Quel est le contexte ?

Les deux indications majeures des opioïdes forts sont le traitement des douleurs intenses et/ou rebelles aux autres antalgiques de niveau plus faible et les médicaments de substitution aux opioïdes.
Pour les opioïdes faibles (tramadol, codéine, opium, et associations), les indications sont le traitement des douleurs d’intensité modérée à sévère voire légère à modérée.
Les opioïdes ont une action antalgique en agissant sur le contrôle de la transmission du message nociceptif aussi bien au niveau encéphalique que médullaire. Ils se caractérisent par un potentiel d’abus et de dépendance élevé notamment s’il existe une vulnérabilité ou des facteurs de risque chez le patient.
Ces médicaments font l’objet de mésusages associés à un recours aux soins (consultations, hospitalisations) et des dommages sanitaires importants tels que des surdoses mortelles (ANSM). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rapporte que ce phénomène s’est accru ces dernières années, en raison notamment de l’augmentation de la consommation d’opioïdes dans la prise en charge des douleurs chroniques non cancéreuses (World Health Organization, 2013).

Quelques chiffres importants (Rapport ANSM février 2019) :

  • En 2015, 9 966 944 français (17,1 %) ont reçu un antalgique opioïde sur prescription.
  • Le tramadol est l’antalgique opioïde le plus consommé avec une augmentation de + 68 % entre 2006 et 2017.
  • L’oxycodone est l’antalgique opioïde qui marque la plus forte augmentation (+738 % entre 2006 et 2017) et sa consommation est proche de celle du sulfate de morphine, antalgique opioïde fort le plus consommé depuis 10 ans.
  • L’utilisation chronique des antalgiques opioïdes est plus élevée avec les opioïdes forts (14,3% en 2015) qu’avec les opioïdes faibles (6,6 %).
  • Le motif de prescription des opioïdes forts est une douleur aiguë (50,1%), une douleur chronique (42,9 %), une douleur dorsale (21,6 %) une douleur liée à l’arthrose (7 %).

Mais une mise en garde s’impose car :

  • Le nombre d’hospitalisations liées à la consommation d’antalgiques opioïdes obtenus sur prescription médicale a augmenté de 15 à 40 hospitalisations pour un million d’habitants entre 2000 et 2017.
  • Le taux de notifications d’intoxication aux antalgiques opioïdes a augmenté de 44/10 000 à 87/10 000 des notifications entre 2005 et 2016. En 2016, les trois substances les plus impliquées dans ces intoxications sont le tramadol, la morphine puis l’oxycodone.
  • Le nombre de décès liés à la consommation d’opioïdes a augmenté de 1,3 à 3,2 décès pour un million d’habitants, entre 2000 et 2015, avec au moins 4 décès par semaine.
  • La part des cas de trouble d’usage des antalgiques opioïdes rapportée au réseau d’addictovigilance a plus que doublé entre 2006 et 2015.

« Une prescription d’antalgique opioïde doit systématiquement s’accompagner d’une information au patient sur le traitement et sur son arrêt, et d’une surveillance de ces risques même lorsqu’il est initialement prescrit dans le respect des conditions de l’autorisation de mise sur le marché  » (ANSM, 2019)

Bon usage des antalgiques opioïdes

Les indications : opioïdes faibles et forts

  • Les antalgiques opioïdes faibles sont indiqués dans les douleurs aiguës modérées à intenses soit après échec des antalgiques non opioïdes, soit si la douleur nécessite une prise en charge par un opioïde. Certains peuvent également être utilisés dans le traitement de douleurs chroniques (dihydrocodéine et tramadol).
  • Les antalgiques opioïdes forts sont indiqués dans les douleurs plus intenses et préférentiellement après échec des antalgiques opioïdes faibles. Certains sont indiqués uniquement dans les douleurs aiguës (péthidine et tapentadol) et d’autres dans les douleurs aiguës et chroniques (morphine et oxycodone). Deux opioïdes sont réservés aux douleurs d’origine cancéreuse : l’hydromorphone et le fentanyl à action rapide ou transmuqueux.

La titration par voie orale

-> Instauration d’un traitement par antalgique opioïde fort en médecine ambulatoire

Avec une forme à libération immédiate (LI) :

  • Dose initiale : 10 mg d’équivalent morphine + 10 mg au maximum toutes les heures jusqu’à soulagement de la douleur (EVA < 3) ;
  • Après 24 h : continuer avec la dose qui soulage la douleur en prise à libération immédiate toutes les 6 heures ;
  • Après 48-72 h maximum de stabilisation à dose efficace : convertir en forme à libération prolongée en prise toutes les 12 heures.

Avec une forme à libération prolongée (LP) :

  • Dose initiale : 30 mg d’équivalent de morphine toutes les 12 heures ;
  • Interdoses à libération immédiate : 5 ou 10 mg, une toutes les 4 heures ;
  • Après 24 heures : dès stabilisation à dose efficace, convertir les interdoses à libération immédiate en forme à libération prolongée en prise toutes les 12 heures

Les posologies

La plus faible dose efficace doit toujours être recherchée, pour la durée la plus courte possible. Si après adaptation de la posologie, la douleur n’est pas soulagée, le traitement devra être arrêté progressivement pour éviter un syndrome de sevrage. Les posologies maximales, à ajuster selon le poids et à ne pas dépasser, sont précisées dans le Résumé des caractéristiques du produit :

  • codéine : 240 mg/24 h
  • tramadol : 400 mg/24 h
  • poudre d’opium : 100 mg/24 h (soit 10 mg de morphine/jour).
  • morphine, oxycodone et fentanyl patch : chez l’adulte, il n’y a pas de limite supérieure tant que les effets indésirables sont contrôlés. Au-delà de 150 mg d’équivalent morphine/24 h par voie orale, il est recommandé de demander l’avis d’un médecin de la douleur.
  • fentanyl transmuqueux : 800 µg à 1 600/24 h (au maximum en 4 prises), selon la forme pharmaceutique et la voie d’administration.

La rotation des antalgiques opioïdes

Les indications d’une rotation des opioïdes sont :

  • inefficacité ou efficacité partielle de l’antalgique opioïde en cours ;
  • effets indésirables non contrôlés ;
  • usage de modalités d’administration plus confortables pour le patient.

Les risques lors d’une rotation d’antalgiques opioïdes sont soit d’induire un surdosage soit un sous-dosage (recrudescence de la douleur voire syndrome de sevrage). Il n’existe pas d’équivalence formelle entre les doses d’opioïdes faibles et forts. Cela dépend du type de douleur et du patient. Des tables d’équianalgésie sont proposées.

Les contre-indications

Il est contre-indiqué de prescrire un traitement opioïde dans le cas de :

  • insuffisance respiratoire décompensée, asthme grave ;
  • insuffisance hépato-céllulaire sévère ;
  • insuffisance rénale sévère ;
  • association d’un antalgique opioïde avec la buprénorphine (agoniste partiel), la naltrexone et le nalméfène (antagonistes) : risque de syndrome de sevrage précipité.
  • spécifique aux antalgiques opioïdes forts : traumatisme crânien et hypertension intracrânienne, intoxication alcoolique aiguë.

Les effets indésirables

Les plus fréquents sont une constipation, une somnolence, des nausées et des vomissements, des difficultés respiratoires, des maux de tête, une confusion, des effets dysphoriques, une sécheresse buccale.

Surdosage et overdose

Les signes de surdosage aux antalgiques opioïdes sont :

  • l’altération de la vigilance ;
  • la dépression respiratoire (fréquence respiratoire < 10/minute) ;
  • un myosis bilatéral. 
  • Le risque est accru chez les patients consommateurs d’autres substances dépressives du système nerveux central comme, par exemple, de l’alcool, des benzodiazépines, des gabapentinoïdes (prégabaline, gabapentine);
  • insuffisants respiratoires. Le surdosage en antalgiques opioïdes peut entraîner la mort.

L’antidote d’un surdosage aux opioïdes est la naloxone. (voir partie « gérer une overdose » )

Le mésusage

Le mésusage désigne un comportement d’utilisation inappropriée du médicament antalgique, en dehors des conditions de son autorisation de mise sur le marché. Ce comportement peut exister seul, être régulier ou épisodique, et évoluer vers une addiction en cas de mésusage prolongé.

Quels sont les facteurs de risque de mésusage ?

Ce sont d’avoir une prescription d’antalgiques opioïdes, un antécédent de prescription d’opioïdes faibles avant opioïdes forts, sujets jeunes, antécédents de comorbidités psychiatriques, antécédents d’usage problématique de substances psycho-actives, antécédents familiaux d’usage problématique de substances psycho-actives, antalgie inadéquate.

Les échelles de bon usage

Échelle ORT (Opioid Risk Tool)

Cette échelle permet l’évaluation du risque de mésusage avant prescription d’un antalgique opioïde. Il faut faire la somme des points pour les 5 questions selon le genre du patient. Pour un score entre 0 et 3 le risque est faible, pour un score en 4 et 7 le risque est modéré, pour un score >7 le risque est élevé.

Echelle ORT score

Échelle POMI (Prescription Opioid Misuse Index)

Cette échelle est utile au dépistage des comportements de mésusage d’un antalgique opioïde en cours de traitement. Elle participe à la réévaluation du bénéfice-risque en cours de traitement.
C’est cette échelle qui est la plus pertinente à utiliser au comptoir.
Il faut compter 1 point par réponse positive. Un score supérieur ou égal à 2 évoque un potentiel usage à risque.

Echelle POMI OFMA

Il est également utile de connaitre l’existence des structures de prise en charge de la douleur chronique : CLUD, INTERCLUD.

Sources

ANSM – Etat des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques, 2019
Respadd – Médicaments Antalgiques Opioïdes, 2018
Les échelles de bon usage sont extraites du site de l’OFMA (Observatoire Français des Médicaments Antalgiques)